LIBER CORAX - PRÉFACE (extrait)

essentiel de cet ouvrage étant une initiation à la géométrie sacrée, par essence muette, ceux qui sauront par leur travail « faire parler », « résonner » et « éveiller » ces planches tracées, pourront mettre en mouvement et goûter à l'un de ces « excès de lumière » qui  baigne et infuse tout l'univers. La « force sans limite dans la limite » leur deviendra évidente et, souhaitons-le, « si le ciel leur est favorable », les élèvera jusqu'à cette « pointe » d'où tout émane et vers laquelle tout converge. Cette somme leur facilitera le chemin, pour peu qu'ils y soient destinés. Ils apprendront à lire les cartes de ces mers qui conduisent jusqu'aux terrae incognitae de la gnose, à frapper à la porte du « palais fermé du roi », Grande Empreinte, miroir de la matrice originelle.

       L'absolue maîtrise de cet ars magna permet sans conteste de désigner l'auteur de ce mutus liber geometricus comme un Adepte, c'est-à-dire comme un homme qui s'est hissé, par ses veilles et son travail, au sommet du faire, du dire et - à ne pas perdre de vue - du savoir taire. Cette « somme » n'étant qu'un modeste résumé de ce qui pourrait encore être dit, il y a ici des intervalles et quelques silences, qui ne doivent certes pas être pris comme des réticences.

       Comme c'est le cas pour toutes les sciences sacerdotales, cet ouvrage, qui invite à la lecture et à l'écoute du chant de l'univers, du principe se prononçant lui-même, dispose pour ce faire d'une herméneutique précise. Οn n'aura aucune difficulté à discerner le « double horizon » de cette approche : la partie écrite, verbalisable, et les planches muettes, qui y font face, qui suivent ou précèdent, invitant le macrocosme à se joindre au microcosme, l'imprononçable au dire et au symbole. Il y a donc, tout au long de cet ouvrage, une superposition de perspectives et de lectures, et ces figures qui blasonnent l'espace permettront de situer les points précis où s'est brisée « la phrase du monde ».

       Bien sûr, c'est même certain, et c'est aussi le drame de toute révélation publique, rien ne pourra empêcher quelques niais en vue ou de passage, de récupérer ces « lumières » et de les fourvoyer dans un de ces vertigineux égarements, une de ces sophistiques et brillantes impasses qui ne manifestent généralement que la profanation du mystère par la solution proposée.

François Trojani